Passée la petite soirée déprime de la Saint Valentin, aujourd'hui, premier cours en prison. Un gros coup de pied dans mes préjugés. Moi qui pensait qu'avec ma culture G, mes cours d'histoire et tous ces articles lus sur le Mali, les touaregs et la guerre, je serais à peut près au point... Heureusement que mon binôme était là pour relever le niveau !
Voici une description de cette première intervention, surement une future chronique pour Radio Campus Lorraine, qui reste encore à peaufiner. :
Ca y est, c'est aujourd'hui, ma
première après-midi en prison. Au programme : cours d'histoire, la
décolonisation Malienne et ses conséquences sur la guerre qui a
lieu en ce moment. Malgré une légère appréhension, ces derniers
jours ont été tellement surchargés que je n'ai eu le temps que de
lire et d'imprimer quelques articles de journaux sur internet. Comme
préparation de cours, on peut faire mieux. Comme sujet explosif et
polémique aussi.
Maintenant, c'est l'heure de
s'habiller, et là attention, le choix est délicat. Si je me
rappelle bien du week-end de formation, (qui relève aussi du bon
sens), pas de jupe, pas de jean moulant, pas de décolleté, pas de
talons, pas de maquillage, de parfum, des bijoux. Je pars à la pèche
aux vieux jeans et aux gros sweat-short. C'est parfais, rien ne
dépasse, c'est l'heure d'y aller.
Heureusement que Pierre, responsable du
groupe GENEPI Nancy, en master d'histoire, est là avec moi, parce
que devant la porte de la prison, je ne fais pas la fière. On sonne,
on donne nos cartes d'identité, on rentre, on attend de recevoir nos
passes « visiteur » et on passe un portique de détection.
Une première porte, une autre porte, un petit passage par
l'administration, et direction le centre de détention. Encore une
fois, heureusement que Pierre est là, parce que dans cette ville
miniature, moi je suis complétement pommée. J'en oublie de compter
le nombre de portes franchies, mais un son me reste dans la tête,
celui des grilles qui se referment, les unes après les autres,
bruyamment.
Pendant que nous attendons les premiers
inscrits, deux détenus chargés du nettoyage engagent la
conversation, on parle de notre association, de nos objectifs, de la
vie quotidienne en prison, puis ils repartent. Un inscrit arrive, ce
sera le seul sur les cinq de prévu. Nous pouvons être content, le
groupe qui nous a précédé n'a vu personne. Pierre présente
l'association, et je commence à parler du Mali, des Touarègues etc.
Un des détenus chargés du nettoyage revient, et une vraie
conversation s'engage, lui malgache, l'autre tzigane, nous français,
la discussion s'oriente vite sur la langue, le sentiment
d'appartenance nationale, les minorités, l'indépendance, l'histoire
orale, écrite, les coutumes, le mode de vie... Le débat est
passionnant, pendant une heure, j'oublie que je suis en prison, et
j'écoute Pierre et le détenu malgache rivaliser de références
historiques, d'ouvrages, de personnalités. Je suis complétement
dépassée par la conversation, je me tais j'écoute et j'apprend. A
un moment, Pierre regarde l'heure, et me dit « Charline, il
faudrait peut être penser à y aller, l'atelier est fini depuis une
demie heure ». Je n'avais pas vu le temps passer, chose rare en
prison je crois.
En sortant, je suis à la fois soulagée
et inquiète. Soulagée de retrouver l'air libre, le froid, la pluie.
Inquiète, parce que il me reste une semaine pour préparer un sujet,
et que vu le niveau de la conversation d'aujourd'hui, je suis loin,
très loin d'être au point.
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